Il était une fois madame la lune qui prenait beaucoup de plaisir à changer de visage et de place, elle en riait même quelques fois.
Un jour, alors qu’elle s’amusait à sauter d’un nuage à l’autre, elle disparut complètement du ciel.
Elle a dû glisser, et sans doute tomber je ne sais où, et peut-être même se faire du mal quelque part.
Toujours est-il qu’on ne l’a pas revue pendant longtemps.
Un jour elle réapparut, toute renversée, pas très brillante et un peu fatiguée.
Après avoir récupéré, après s’être nettoyée, désaltérée et nourrie, elle raconta toute son histoire.
C’est l’histoire de l’autre jour où, en sautant sur un gros nuage vaporeux, boursouflé de vapeur, elle s’y est enfoncée si profondément qu’elle n’arrivait plus à en sortir.
Et plus elle se débattait, et plus elle s’enfonçait.
Le gros joufflu, lui, ne se rendait compte de rien, il continuait rapidement son chemin, poussé par les grands vents d’altitude.
Le temps passait, la lune avait froid, et faim, et soif, elle ne savait pas où elle était et elle ignorait où le nuage l’emportait, surtout.
Un jour le nuage s’arrêta net.
Il était à l’autre bout de la terre, il n’y avait plus un seul vent, et il faisait très chaud, tellement chaud, qu’il se mit à fondre comme une glace au soleil.
Il fondit tant, et si vite, que la lune s’en aperçut un peu tard et n’eut pas le temps de se raccrocher au ciel.
Alors elle tomba, mais, heureusement pour elle, elle tomba dans la mer sans rien se casser.
Les poissons qui nageaient par là furent d’abord très surpris et, quand enfin ils comprirent ce qu’il s’était passé, ils décidèrent de l’aider à remonter à la surface de l’eau.
De là ils appelèrent leurs copains oiseaux et, après quelques explications, les oiseaux attrapèrent la lune du bout de leurs ailes et de leur bec et la remontèrent là-haut, tout près des nuages.
Sur le parcours ils rencontrèrent un nuage voyageur qui accepta gentiment de la ramener jusque dans son coin de ciel.
Ce n’était pas un nuage rapide, il n’était pas très haut, mais au moins il était solide et serviable.
Et il lui a fait découvrir tant de choses sur son chemin de retour : d’abord des mouettes pêchant au ras de l’eau, puis un groupe d’oies sauvages en pleine course, puis des forêts et des vastes prairies lointaines, puis des montagnes immenses aux sommets blanchis, tout près, où gambadent des jeunes chamois, puis tant d’autres paysages, et tant d’autres créatures pleines de vie…
Elle arriva enfin au bout de son aventure et retrouva sa place avec beaucoup de plaisir.
Elle était fatiguée, affamée, assoiffée, mais tellement heureuse d’avoir vu tout cela et de pouvoir enfin le raconter à son petit monde.
Et elle se souviendra aussi que les nuages se suivent mais ne se ressemblent pas.
Pierre Bouvier
© Droits réservés / Dessin : Pierre Bouvier / Photo : Martin Adams, Unsplash
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