Il était une fois, au cœur de l’Océan Pacifique, une île paradisiaque où il faisait toujours très beau.
Il y avait du soleil le jour (mais pas trop, pour plaire à tout le monde), il y avait un peu de pluie la nuit (surtout pour arroser la végétation) et il y avait un petit vent une fois par semaine (pour balayer toute l’île de ses impuretés).
Les longues plages étaient couvertes de sable fin, tout blanc, et l’océan bleu marine venait s’y reposer au gré des marées.
Les forêts étaient accueillantes et respiraient le calme et la fraîcheur.
Le peuple qui habitait sur place avait tout pour être heureux.
La nature lui fournissait largement ce dont il avait besoin.
Les gens obtenaient facilement de quoi manger, de quoi boire, de quoi s’habiller, de quoi se loger, de quoi se distraire…
Il y avait toujours quelque part dans l’île quelque chose correspondant à leur envie, sans doute parce que leur envie correspondait toujours à quelque chose existant quelque part sur l’île.
A peine un désir effleurait leur esprit qu’il était comblé par tous ces plaisirs exposés ça et là ; il n’y avait plus qu’à les saisir, en profiter et se laisser aller.
Ils avaient tout sur place, c’est vrai…mais pourtant il leur manquait toujours quelque chose…mais ils ne savaient pas quoi. Que leur manquait-il ?
Un beau matin un étranger débarqua sur cette île merveilleuse.
Son bateau avait été dévié de son chemin par un vent turbulent.
Les habitants l’accueillirent d’un mauvais œil.
Ils n’aimaient pas les étrangers.
Ils pensaient que les étrangers avaient tous les défauts de la terre entière, et surtout ils craignaient que les étrangers leur volent tout ce qui était sur l’île.
Ils disaient que c’était leur île et donc que tout ici leur appartenait.
L’étranger était gênant, alors on le fuyait, et même on le repoussait vers son bateau parfois.
Un jour on le vit déballer ses affaires et sortir une grande valise pleine de rêves, des rêves de toute beauté, des rêves qu’on n’avait jamais imaginés, des rêves qui donnaient envie de rêver, envie de marcher sur l’eau, de sauter d’un nuage à l’autre, de faire pousser des petites îles, de décrocher la lune…
On se sentait attiré par tous ces rêves, alors on se rapprocha du visiteur, on se l’arracha même, afin de découvrir toutes les richesses de son imaginaire.
Le visiteur n’était plus un étranger, il était devenu un magicien.
Il savait que l’inconnu faisait peur, et qu’après il attirait, et qu’ensuite on l’enviait...
Il savait que l’homme avait bien du mal à grandir, et que pour grandir il avait besoin de rêver, et que pour rêver il lui fallait se détacher de tout ce qui l’encombre…
Il savait que lorsqu’on était sûr d’obtenir avec tant de facilité on ne savait plus ni désirer ni rêver…
Il savait que pour accéder au rêve l’homme devait retrouver l’enfant qui sommeille en lui et s’évader avec lui…
Il leur expliqua tout cela, il leur présenta d’autres songes, et mieux encore, il disparut… comme par enchantement.
Il laissa les habitants émerveillés, plongés dans leurs lointains souvenirs en quête de rêves dont ils avaient tant manqués, à la découverte de la fantaisie, de l’évasion, de la liberté…
Vive le rêve !
Pierre Bouvier
© Droits réservés / Dessin : Pierre Bouvier / Photo de couverture : Bawah Reserve, Unsplash
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