Enfant j’ai trop longuement pleuré sur mon sort
A tant souffrir la honte et sentir le rejet,
A dire chaque jour « pourquoi moi, qu’ai-je fait ? »
Sans jamais rien comprendre à ma vie que j’ignore,
La famille où j’étais chaque jour s’unissait,
M’entourait de son mieux, m’apportait le confort
Tandis que je fuyais vers de lointains décors,
Ne pouvant évoluer sans savoir où j’étais,
Jusqu’au jour où je vis tout autour de mes nuits
Certains frères touchés par des anomalies
Au physique, au mental (pourquoi tout ce gâchis ?)
Et marqués à jamais du fer qui les poursuit,
Jusqu’au jour où je connus bien trop de Pupilles
Assaillis de reproches, étouffés d’interdits,
Relégués dans un coin, injustement punis
Par des gens qu’on a pu qualifier de famille,
Jusqu’au jour où je vis ces frères de l’oubli,
Tôt majeurs dans la vie, au prix de sacrifices,
Lâchés de l’Assistance, coupés de la nourrice,
Adultes mal aimés, isolés et vieillis,
Jusqu’au jour où je pus réagir à ces cris
Et porter réconfort à des frères meurtris,
Jusqu’au jour où je sus relever par écrit
Cette rage du cœur qui rend l’enfant aigri,
J’aurais aimé qu’une fois au moins dans sa vie
Cet enfant mal grandi arrive à s’en sortir,
Au mieux de ses blessures, tourné vers l’avenir…
Mais il faut pour cela l’aimer dans son repli…
(Il a grand besoin d’amour, cet enfant banni,
Et qu’il sache qu’on l’aime seulement pour lui,
Sans relâche, sans détour, comme un acte gratuit,
Pour qu’il aime à son tour et qu’enfin il oublie.)
Pierre Bouvier
© Droits réservés / Photo : Blake Cheek, Unsplash
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